Petit historique


De l'Antiquité ...

A cette époque où les batailles n'étaient pas rares, il était parfois utile de pouvoir communiquer avec des troupes alliées (ne fut-ce que pour des appels à l'aide !). Mais dans ces situations, un messager pris et gloups celui-ci n'existait plus, et plus grave : son message non plus. Les messagers furent donc multipliés en gardant l'espoir qu'il y en ait bien un qui passerait les lignes ennemies. C'était généralement le cas mais quel gâchis : des soldats qui auraient pu mourrir sur le champ de bataille le glaive à la main mourraient à la place torturés. Face à ce problème, des idées vinrent à l'esprit et notamment celle-ci, qui peut déjà être considérée comme de la stéganographie : il suffisait de raser le messager, d'écrire le message sur son crâne, d'attendre un peu que les cheveux repoussent, de le déguiser en n'importe quoi et voilà, il pouvait passer tranquillement les lignes ennemies. C'était pas encore super, mais c'était déjà un grand pas en avant.

Une merveille est apparue après les premiers papyrus : l'encre invisible. Quelqu'un écrivait un message anodin avec un encre tout à fait normal puis passait à l'encre invisible et écrivait le vrai message entre les lignes. Cette technique ne s'est jamais démodée et vous avez certainement passer du temps, étant encore enfants, à jouer avec de l'encre à base de citron qui n'apparaissait que quand il était chauffé. Moins amusant est le contenu de cette carte envoyée d'un camp de concentration nazi qui a révélé, en dessous d'un message anodin, une description de l'horreur de ces camps, cela en octobre 1997.

... jusqu'au Moyen Age ...

Dans la félicité à perpétuité,
Dans son royaume à perpétuité,
En Paradis à perpétuité,
Ainsi qu'en toute éternité;

Dans la gloire à perpétuité,
Mais dans son règne;
Sempiternel, toujours dans la félicité,
Tant dans la lumière que dans la béatitude,
Et toujuors dans la gloire à perpétuité,
Mais dans son règne;

En une infinité encore à perpétuité,
Comme dans la gloire autant que dans les Cieux;
A tout jamais, oui ! A tout jamais à perpétuité;

Dans son royaume et dans la félicité,
Irrévocablement, dans son royaume,
Et sans cesse qu'il soit à perpétuité dans la lumière,
Et encore à perpétuité !

Beaucoup plus fort non ? Cette pseudo-lithanie contient un message : Retenez les formules de l'Abbé Tritheme.

Jean Tritheme (Ionnas Trithemii en latin) était abbé et peut être considéré comme un des pères de la cryptographie moderne. Il publia en effet en 1499 un ouvrage (intitulé Polygraphiae) traitant de cryptographie (mais aussi de stéganographie), pour le compte de l'Empereur Maximilien.

Pour revenir à la lithanie ci-dessus, elle est basée sur l'un des 14 alphabets du système de chiffre de Tritheme. Chaque lettre est en effet remplacée par un mot (ou un petit groupe de mots). Des mots inutiles sont ajoutés pour que ça ressemble quand même à quelque chose. L'alphabet utilisé est disponible ici

Où Tritheme a notamment innové, c'est qu'il a instauré des systèmes de cryptage où personne n'aurait pu se douter à priori d'être en présence d'un texte codé. En effet, il était abbé et trouver une lithanie chez un abbé, ça n'a rein d'extraordinaire. Et c'est là toute la puissance de la stéganographie.

... et bien après

La guerre est bien généralement une source de découvertes (mais pas de progrès) et la deuxième guerre mondiale n'a pas échappé à ce fait. A cette époque, la technique à la mode était le micro-point. Elle consistait à réduire photgraphiquement un message à une très petite taille et à le placer comme point sur la lettre i (ou j, ou tout symbole de ponctuation, etc.).

Un peu plus tard, dans les années 60, une photographie de plusieurs membres de l'équipage de l'USS Pueblo fut envoyée par leurs ravisseurs pour montrer leur coopération. Celle-ci, à l'air ordinaire, contenait pourtant un message : la position des mains des membres de l'équipage épelait le mot SNOWJOB dans le langage des signes (dans l'américain familier, un snow job signifie au figuré qu'on empêche de dire la vérité).

Il y aurait encore des tas d'exemples et si vous en connaissez, n'hésitez pas à me les communiquer.

La suite : La stéganographie aujourd'hui

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Frederic Peters <fpeters@mygale.org>