Au tour de l'Allemagne de se méfier de l'Oncle
Bill
( 19 mars 2001 ) – Les Forces fédérales armées
allemandes (Bundeswehr) ont fait part de leur intention de mettre
fin à toute utilisation de logiciels américains et
particulièrement ceux de Microsoft, selon le magazine allemand
Der Spiegel. Les entreprises allemandes Deutsche Telekom et
Siemens prendront le relais.
Comme l'exprimait lui aussi un rapport préparé par la
Délégation aux affaires stratégiques (DAS) du ministère de la
Défense français, il y a plus d'un an (voir notre
article), l'organisme allemand craint que la National Security Agency (NSA)
américaine, entre autres, dispose de portes dérobées
(backdoors) dans ces logiciels.
Entre-temps, le ministère des Affaires étrangères a reporté son
projet de système de visioconférences entre ambassades lorsqu'il a
appris que toutes ces communications transiteraient à Denver, au
Colorado. «Nous serions aussi bien tenir nos réunions directement
à Langley», a alors blagué un collaborateur du secrétaire d'État
Gunter Pleuger, faisant référence à la ville de la Virginie où
sont situés les quartiers généraux de la Central Intelligence Agency (CIA),
selon ce que rapporte le Der
Spiegel.
Les craintes de la Bundeswehr sont
facilement justifiables et arrivent même un peu tard. Il existe de
nombreux exemples connus de collaboration entre la NSA et de
grandes firmes de logiciels américaines (Microsoft, Netscape,
Lotus, etc.) ou mêmes étrangères (voir cet
extrait du rapport Interception Capabilities 2000). La
firme suisse Crypto
AG, selon ce même rapport, a fréquemment été infiltrée par des
agents de la NSA, avec la complicité de son P.D.G., afin de miner
l'efficacité des puissants systèmes de cryptage qu'elle vendait.
En vertu de ses origines suisses, Crypto AG jouissait pourtant de
la pleine confiance de ses clients. Les firmes allemandes Siemens et Deutsche Telekom
seront-elles plus fiables?
Le Canada a également été placé sur la sellette à plus d'une
occasion pour son utilisation d'un logiciel que l'on croit piégé
de la sorte, Promis (voir notre
article). En septembre 1999, un chercheur canadien avait
également dévoilé l'existence d'un fichier, inclus dans le
Service Pack 5 de Windows NT 4, dont le nom portait la
mention «NSA». Comme ce fichier était de plus une clé permettant
le chargement d'applications de cryptage, le chercheur en avait
conclu qu'elle était destinée à être utilisée par la NSA.
Pour éviter ce type de problèmes, plusieurs pays se sont
tournés ou ont l'intention d'adopter des systèmes à base Unix ou
Linux, donc à code ouvert. C'est le cas entre autres de la Chine
(voir notre
article), dont la méfiance envers les États-Unis est
légendaire. Malgré ses origines américaines, on peut supposer que
le système d'exploitation Mac OS X d'Apple, qui sera lancé samedi
prochain, pourrait théoriquement être considéré comme une
alternative viable, puisque le code source de son noyau est
également disponible, sous l'appellation Darwin.
Jean-François
Codère
L'article
du Der Spiegel (en allemand, traduction au français possible
avec Reverso)
Malheureusement, les responsables européens, ceux
de l'Union Européenne par exemple, ne sont pas tous aussi
conscients que les Allemands