( 24 mai 2001 ) – La commission spéciale du
Parlement européen chargée d'enquêter sur l'existence, les
capacités et l'utilisation d'un système mondial d'écoute
électronique baptisé Echelon en arrive à la conclusion que ce
système existe bel et bien. Il n'aurait cependant pas toute la
puissance que certains exposés lui ont prêté.
La commission temporaire sur le système d'interception
«ECHELON» a été créée en juillet 2000 pour faire la lumière sur de
nombreuses rumeurs à l'effet que des entreprises européennes
(Airbus par exemple) avaient été victimes d'espionnage industriel
(de l'écoute électronique en particulier) de la part d'une
organisation regroupant les États-Unis, l'Angleterre, le Canada,
l'Australie et la Nouvelle-Zélande, au profit d'entreprises de ces
pays, Boeing par exemple. Avant de mettre sur pied cette
commission, le Parlement européen avait d'abord demandé au
journaliste anglais spécialisé Duncan Campbell de préparer une
évaluation de la situation (voir
notre article).
L'enquête de la commission
sur Echelon porte surtout sur les implications de ce réseau
pour les civils et les entreprises européennes, plus que le volet
militaire. Au cours des dernières années, des livres comme Secret
Power du néo-zélandais Nicky Hager, ainsi que le rapport
déposé par Duncan Campbell, pour ne nommer que ceux-là, ont fait
grand état des possibles capacités du réseau Echelon. On le croit
notamment capable d'intercepter, si ce n'est la totalité, la
grande majorité des communications transitant par ondes
hertziennes, micro-ondes, satellites, câbles électromagnétiques et
peut-être même par fibre optique. Communications téléphoniques,
télécopies, courriels, traffic Internet et tout autre type
d'échanges électroniques seraient ainsi compromis. Des
super-ordinateurs, appelés Dictionnaires, seraient chargés de
trier l'information ainsi recueillie en fonction de mots-clés. La
production de rapports finaux sur les communications les plus
«intéressantes» serait assurée par des agents en chair et en os.
Le rapport préliminaire (le rapport complet doit être déposé
cet été) de la commission en arrive à la
conclusion «que le fait qu'un système pour intercepter les
communications existe, opéré via une collaboration proportionnelle
à leurs capacités entre [les cinq pays membres] n'est plus en
doute. Il a été établi que ce système est opéré sur la base de
l'accord UKUSA. Le fait que son nom soit véritablement Echelon
semble vraisemblable d'après les preuves disponibles, mais c'est
un détail relativement mineur. Ce qui est important, c'est que sa
raison d'être est d'intercepter les communications privées et
commerciales, et non les communications militaires. Notre analyse
a révélé que les capacité du système ne peuvent pas être aussi
vastes que ce que certains médias ont avancé.»
Si elle ne remet pas en question l'emprise d'Echelon sur les
communications par satellite, la commission souligne néanmoins que
«seule une très petite portion fait usage des satellites. Cela
signifie que la majorité des communications ne peuvent pas être
interceptées par des stations d'écoute terrestres, mais seulement
par la mise sur écoute des câbles et l'interception des ondes
radios. Toutefois, nos enquêtes ont démontré que les pays membres
d'Echelon n'ont accès qu'à une très faible proportion de ces
communications.»
Quant à l'existence potentielle d'autres systèmes du genre,
entretenus par des pays européens, la commission conclut que,
géographiquement, seule la France, en raison de ses nombreux
territoires outre-mer, pourrait entretenir un réseau de la sorte
par elle-même. La possibilité d'un réseau russe n'est néanmoins
pas écartée.
En ce qui concerne la compatibilité avec la législation
européenne, la commission en arrive à la conclusion que, si un
pays de l'Union européenne (le Royaume-Uni par exemple...)
participait bel et bien à l'espionnage des communications civiles
et commerciales, il viole la loi de l'Union, parce qu'un tel
système ne respecte pas les principes de loyauté et de marché
commun compétitif. En revanche, l'utilisation d'un tel système a
des fins militaires ne saurait être punis par la commission.
Finalement, la commission recommande notamment des programmes
pour sensibiliser ses citoyens à la sécurité, la création de
technologies de cryptage européennes et le cryptage systématique
des communications par courriel. On demande également au
Royaume-Uni et à l'Allemagne, deux pays où les États-Unis
disposent de nombreuses installations, de s'assurer que toute
collaboration future avec ce pays se fasse dans l'esprit des lois
européennes et que toutes les opérations menées par les États-Unis
depuis ces pays respectent les droits de l'Homme.
Jean-François
Codère
Le rapport préliminaire
de la commission (en anglais)
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