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        Novembre 1998

Du nouveau dans les télécommunications : l'ADSL

par Jean-Claude SOHM - EFPG

Sommaire et Introduction


II. Principe de fonctionnement


La bande passante de la boucle locale est limitée à 4 KHz par des filtres mis en place par les compagnies de téléphone. Cette bande passante suffit pour le transport de la voix ; la fidélité -- qui nécessiterait 10 à 20 KHz -- n'est pas requise : il suffit que les deux interlocuteurs se comprennent, même si les voix de femmes ressemblent à des voix d'hommes, parce que les sons aigus manquent. Mais si on retire le filtre passe-bas, la bande réelle de la boucle locale dépasse le MHz lorsque la paire de cuivre est en bon état, et que sa longueur ne dépasse pas quelques kilomètres. Quand on dispose d'une bande de fréquence large d'un MHz, on peut la diviser en :

1000/4 = 250 canaux (de 4 Hz chacun)

Si un canal permet de faire passer 33,6 Kbps (ce que fournit un modem analogique branché sur une ligne téléphonique traditionnelle), on dispose d'un débit total de :

250 x 33,6 / 1000 = 8,4 Mbps

 

Là réside la base des procédés DSL.

En pratique on estime que l'ADSL est utilisable lorsque la longueur de la boucle locale ne dépasse pas six kilomètres ; cette condition est remplie à plus de de 80 % dans les pays développés. A titre d'exemple, la figure 1 montre ce qui se passe en Angletterre ; les autres pays d'Europe ont une situation similaire. Aux Etats-Unis, où l'habitat est plus dispersé, les boucles locales dont la longueur dépasse six kilomètres représentent environ 13 % du total. Il y a dans le monde 900 millions de ligens téléphoniques, et on estiome que 70 à 80 % d'entre elles peuvent accepter les procédés DSL.

 

Figure 1 - Distribution des longueurs de boucle locale aux Etats-Unis et en Angleterre

 

Dans le cas particulier du procédé ADSL, les fréquences sont utilisées comme le montre la figure ci-dessous. La bande la plus basse (0-4 KHz) est réservée à la téléphonie analogique traditionnelle (le transport de la voix). La bande intermédiaire est réservée au trafic montant de données, la bande la plus élevée (qui est aussi la plus large) au trafic descendant.

 

Figure 2 - Utilisation des fréquences dans le procédé ADSL

 

 

A l'extrémité de la ligne téléphonique qui se trouve chez l'usager, on installe un "splitter" (Figure 3). Ce dispositif est constitué :

 

 

Figure 3 - Installation de l'ADSL chez l'utilisateur (ancienne version avec splitter)

 

 

Le modem ADSL se présente :

 

Dans une petite entreprise, on peut regrouper les micro-ordinateurs sur un même réseau Ethernet, et raccorder ce dernier au modem ADSL via un concentrateur (certains constructeurs envisagent de regrouper les deux appareils en un seul). On peut ainsi interroger Internet à partir de chacun des postes, en n'utilisant qu'une seule ligne téléphonique -- et une seule adresse IP, si le modem permet d'attribuer l'adresse à la volée.

 

A l'autre extrémité de la ligne, dans le standard de la compagnie de téléphone, on installe également un splitter (Figure 4). Son filtre passe-bas aiguille la voix vers un commutateur de circuits. Son filtre passe-haut est relié à un modem, qui reconstitue les données numériques, et les dirige vers un réseau de transmission de données numériques. L'ensemble de ces dispositifs est appelé DSLAM (DSL Access Multiplexer), parce qu'il regroupe le trafic issu de plusieurs lignes d'usager sur une même ligne à haut débit.

La conception du DSLAM permet :

 

 

 

Figure 4 - Installation de l'ADSL dans le central de la compagnie de téléphone (ancienne version avec splitter)

 

 

Le procédé ADSL possède les propriétés caractéristiques suivantes :


III. La norme G.Lite


Jusqu'à présent, le procédé ADSL s'est développé fort lentement, et ce pour les raisons suivantes :

 

Les acteurs des télécommunications ont compris que l'ADSL ne pourrait pas se développer si une normalisation du matériel n'intervenait pas rapidement (le procédé ADSL lui-même est normalisé depuis 1993, sous le numéro ANSI 1.413). Pour ce faire, au mois de février 1998, un organisme de concertation, appelé UAWG (Universal ADSL Working Group), a été créé par Compaq, Intel et Microsoft. Il regroupe aujourd'hui plus de 130 entreprises des secteurs de l'informatique, des réseaux et des télécommunications de divers pays (France Télécom en fait partie depuis le mois de mai dernier). Les travaux de cet organisme ont été menés rapidement, mais dans la discrétion : pas question de laisser les disputes relatives à la paternité du procédé ou des brevets se dérouler sur la place publique, comme ce fut le cas de manière outrancière pour le modem 56 K. Les plus optimistes pensent que la version définitive de la norme sera adoptée au mois de juin 1999, mais l'industrie n'attendra pas cette date pour se mettre à l'uvre, et l'on trouvera probablement les nouveaux modems dans le commerce d'ici quelques mois.

 

La norme G.Lite, qui définit la version "légère" de l'ADSL (encore appelée "Universal ADSL", "splitterless ADSL", ou "lite ADSL"), règle les principaux problèmes :

 

Discussion

 

Les débits

 

Le débit d'une ligne ADSL est fonction :

 

La figure 5 illustre cette situation dans le cas du débit descendant. La longueur de la boucle locale, qui figure en abcisses, a été limitée à 6 Km, ce qui correspond à près de 80% des lignes d'usager dans le monde. La droite horizontale bleue représente la limitation du débit par le modem (7 Mbps dans cet exemple). La courbe rouge représente la limitation du débit résultant de l'atténuation du signal par la ligne (loi en inverse du carré de la distance) ; si la qualité de la ligne se dégrade, la courbe rouge se décale vers le bas. La courbe verte représente le débit mesuré expérimentalement. La zone des débits admissibles est représentée en jaune : comme on peut le voir, le débit descendant prévu par la nouvelle norme (1,5 Mbps) s'y inscrit facilement. Les auteurs de la norme ont donc choisi, avec prudence, une valeur de débit descendant qui permet de faire face à toutes les situations, sans pousser la technique dans ses derniers retranchements.

 


Figure 5 : Variation du débit descendant avec la longueur de la boucle locale

 

Le débit maximum d'Internet peut dépasser le Mbps si des conditions très particulières sont remplies : heure creuse, serveur web bien dimensionné et relié au backbone le plus proche par une ligne à fort débit, client disposant d'une excellente liaison. Le débit le plus élevé que nous ayons observé valait 600 Kbps ; en heures creuses (six heures du matin), nous obtenons couramment plusieurs centaines de Kbps pour des liaisons avec les Etats-Unis. Il ne faut pas s'attendre à bénéficier de débits plus élevés sous peu : tous les efforts des fournisseurs d'accès tendent à ajuster la capacité des réseaux à l'augmentation rapide du nombre des internautes, et cette situation durera encore plusieurs années. Enfin, le débit observé par l'utilisateur pendant les heures pleines peut descendre à quelques Kbps seulement -- parfois même moins ! -- par suite de l'encombrement du réseau.

 

Le débit prévu pour l'ADSL dans le sens descendant (1,5 Mbps) est donc largement dimensionné, ce qui présente les avantages suivants.

 

Le débit prévu dans le sens montant (384 Kbps) est plus que suffisant pour l'interrogation d'Internet (l'internaute envoie essentiellement de courtes requêtes vers le serveur), et le courrier électronique (les gros attachements sont rares, et souvent prohibés par les webmestres). Cette valeur notable du débit montant sera en outre appréciée :

 

 

Un procédé splitterless

 

L'intégration du splitter au modem est un facteur de réduction des coûts, car la transformation d'une ligne ordinaire en ligne ADSL ne nécessite plus l'intervention d'un agent de la telco au domicile de l'abonné. La nouvelle norme rend l'ADSL "splitterless", au grand soulagement de ses partisans, qui avait fait du splitter leur bête noire. Un journaliste a prétendu, sans rire, qu'il avait fallu six visites d'un technicien pour installer et configurer un splitter à son domicile...

 

Une implantation facile

 

L'utilisation d'un modem Plug and Play s'impose : aujourd'hui, les utilisateurs de micro-ordinateurs (et plus spécialement les particuliers) n'admettent plus que les périphériques soient difficiles à configurer. "Plug and Play" signifie que le modem doit être automatiquement reconnu et configuré par le système d'exploitation. Le fait que ce dernier soit "ADSL-ready" facilite l'écriture des programmes pilotes par les fabricants de modems (ex : Windows 98), et leur installation par l'utilisateur. On notera que l'utilisation du connecteur USB (pour relier le modem à l'ordinateur) va de pair avec le caractère Plug and Play.

 

La fin d'une vieille querelle

 

En choisissant le procédé de modulation DMT, la norme règle une longue et vieille querelle qui freinait le développement des procédés DSL depuis des années. Dans le procédé DMT, les fréquences utilisées pour les trafics montant et descendant sont divisées en bandes de 4 KHz, chacune étant utilisée au mieux compte tenu de son rapport signal/bruit. La norme favorise donc la technique la plus performante, et assure l'interopérabilité au moindre coût.

 


IV. Conséquences : que font les acteurs du marché ?


Le projet de norme G.Lite était à peine entériné par l'ITU que les grandes manoeuvres commençaient.

 

Divers fabricants de modems ont annoncé qu'ils n'attendraient pas la sortie de la version définitive de la norme pour lancer des modèles sur le marché. Ces fabricants, en effet, sont en mauvaise posture : le plus célèbre d'entre eux, Hayes, est en faillite, et ses confrères sont presque tous dans le rouge. A cause de la concurrence, le prix des modems analogiques fonctionnant à 33,6 Kbps a beaucoup baissé, laminant les marges. L'existence de deux protocoles distincts, et incompatibles, a freiné pendant un an les ventes des modems 56 Kbps. Les fabricants de modems fondaient de gros espoirs sur l'interrogation d'Internet via le RNIS, mais les compagnies de téléphone n'ont pas fait l'effort marketing nécessaire pour que cette technique se développe comme elle l'aurait méritée, et les ventes de modem RNIS n'ont pas explosé comme les constructeurs l'espéraient. Ces derniers reportent maintenant leurs espoirs sur le câble et l'ADSL.

 

Les telcos ont été très promptes à réagir -- une fois n'est pas coutume ! -- parce qu'elles craignent la concurrence du câble. Grâce au câble hybride bi-directionnel, les câblo-opérateurs peuvent étoffer leur offre de télévision en y ajoutant la téléphonie classique et la consultation d'Internet. Pour cette dernière application, le débit descendant vaut 30 Mbps, et le débit montant 1 Mbps, mais ces débits sont partagés entre de multiples utilisateurs. Aux heures de pointe, les chiffres précités sont à diviser par 100 environ, mais le débit résultant reste cependant nettement supérieur à celui d'un modem analogique. On estime qu'à la fin de cette année, 400 à 500.000 foyers américains seront reliés à Internet grâce au câble (pour un coût forfaitaire moyen de 50 $ / mois) -- il y en avait déjà 250.000 au mois de mai dernier. La croissance ne s'arrêtera pas là, car la majorité des foyers américains sont soit raccordés à un câble, soit situés à proximité.

 

Attaquées dans leur monopole, les telcos locales ont cherché une riposte. Elles pensent l'avoir trouvé dans l'usage de l'ADSL et, une fois n'est pas coutume, elles ont décidé d'aller vite. Un événement récent leur a d'ailleurs rappelé que leur situation de monopole était sérieusement menacée : le numéro un des transporteurs à longue distance (AT&T) a annoncé au mois de juin dernier son intention d'acheter TCI (le principal câblo-opérateur) pour 48 milliards de dollars. Si le gouvernement américain ne bloque pas la transaction au nom des lois anti-trusts (avec les politiciens, on ne sait jamais), AT&T pourra concurrencer la boucle locale en cuivre grâce au câble dans un tiers des foyers américains.

 

Au Comdex de Las Vegas, la semaine dernière, MCI Worldcom a annoncé de grands projets de déploiement de l'ADSL. Ils sont tellement récents, que sur le site Internet de cette grande telco -- site qui comporte 727 pages -- il n'y a pas un seul mot sur le procédé ADSL !

 

Enfin, les grands fabricants de micro-ordinateurs, tels Dell ou Compaq, prévoient de livrer en 1999 des machines "ADSL-ready", c'est à dire pré-configurées pour le raccordement à un fournisseur d'accès à Internet via l'ADSL. Ils passent actuellement des accords avec les telcos américaines et les fabricants de matériel téléphonique. Pour eux, la normalisation effective de l'ADSL est une bénédiction : elle leur évite d'avoir à installer une carte modem et configurer leurs machines de manière différente selon la localisation du client final.

 


V. Les perspectives


Aux Etats-Unis

 

Quand on analyse la situation qui prévaut dans ce pays, on constate que, sur les 102 millions de foyers :

 

Certes, sur les 65 millions de foyers raccordés au câble, seuls 12 millions seulement le sont en bi-directionnel ; mais leur nombre croit rapidement, parce que les câblo-opérateurs font des efforts pour mettre à jour leur réseau, qui est ancien. Mais pour fournir à leurs abonnés l'accès rapide à Internet, les câblo-opérateurs disposent d'une "fenêtre d'opportunité" limitée à quelques années seulement. D'ici un à deux ans, le marché de l'ADSL démarrera pour de bon, et dans 4 à 5 ans, les constellations de satellites en orbite basse arriveront en force. Certains analystes pensent que l'ADSL devrait l'emporter, parce que la boucle locale va partout (ce qui n'est pas le cas du câble), et que l'investissement correspondant est amorti (ce qui n'est pas le cas du satellite). En fait, l'issue de cette lutte découlera de la politique tarifaire que les compagnies de téléphone appliqueront, en particulier aux internautes.

 

Les Etats-Unis comptent 60 à 80 millions de personnes utilisant Internet de manière suivie, les particuliers représentant une bonne moitié de ces internautes (les personnes qui interrogent Internet à la fois au travail et à la maison sont comptées deux fois). La majeure partie d'entre elles se raccorde à Internet via un modem et une ligne de téléphone analogiques. Il leur en coûte 20 $ par mois d'abonnement à un fournisseur d'accès (pour 100 heures de connexion), et ils n'ont pas de frais de communications locales à rajouter, ces derniers étant inclus forfaitairement dans leur abonnement au téléphone. Ceux qui utilisent le câble payent leur fournisseur d'accès 40 à 60 $ par mois, le service qu'ils obtiennent est nettement plus rapide, mais ils n'ont pas le libre choix de leur fournisseur d'accès (ISP). Rares sont ceux qui utilisent le RNIS (appelé ISDN aux Etats-Unis), ce service étant facturé trop cher par la plupart des telcos. Si les telcos offrent l'accès à Internet aux particuliers via l'ADSL à un coût mensuel supérieur à 60 $ / mois, elles ne séduiront éventuellement que ceux qui ne peuvent pas accéder au câble, ou qui veulent choisir librement leur ISP.

 

En France

 

La situation du câble est mauvaise, comme chacun sait. Sur 22 millions de foyers, seulement 2,5 millions sont raccordés au câble (lequel est essentiellement bi-directionnel). Ce chiffre est le plus bas d'Europe (pays du sud exceptés), pour des raisons multiples, dont la plus importante résulte de l'ineptie du "plan câble" (1982-1986). De plus, on s'attend à ce que la progression du nombre des foyers raccordés au câble plafonne bientôt, à cause du succès grandissant de la diffusion de la télévision par satellite (les deux courbes de croissance se croisent actuellement).

 

Dans la majorité des cas, le propriétaire des réseaux câblés est France Télécom : l'opérateur historique a bénéficié d'un monopole de droit pour la pose du câble jusqu'en 1986, et il a gardé un monopole de fait jusqu'à une date récente. Personne ne s'étonnera donc qu'à Paris, il se soit opposé (grâce à deux années de procédure) au développement de l'interrogation d'Internet via le câble. Il est également câblo-opérateur : on comprend qu'en tant que tel, il ait longtemps hésité à ouvrir son réseau câblé à la connexion à Internet.

 

Pour ces différentes raisons, le câble ne représente pas en France un concurrent sérieux pour la boucle locale : rien ne presse, donc, pour implanter les procédés DSL. France Télécom en est encore au stade des essais : le dernier en date a été lancé au mois de novembre 1997, dans la région parisienne (Noisy-le-Grand, Villiers-sur-Marne et Gournay-sur-Marne), pour une durée de 20 mois. Le coût de l'abonnement est de 279 F/mois ; quelques milliers de personnes sont concernées, ainsi que quelques petites entreprises.

 

Pour établir une véritable situation de concurrence sur la boucle locale, la Commission européenne conseille fortement aux opérateurs de téléphone -- en attendant des mesures plus coercitives -- de se séparer de leur activité câble. C'est ainsi que Deutsche Telekom a filialisé son importante activité dans ce domaine (17 millions d'abonnés), et qu'il s'apprête à la vendre. Se recentrant sur son métier de base d'opérateur téléphonique, il prévoit l'installation de 70.000 connexions ADSL dans 43 villes en l'an 2000. France Télécom a récemment parlé de la possibilité de se séparer de son activité câble : attendons la suite.

 


VI. Conclusion


Dans les pays où il est bien implanté, le câble est appelé à servir de prolongement aux "autoroutes de l'information" (les réseaux à haut débit des grands fournisseurs d'accès à Internet) jusqu'au domicile de l'usager. Dans ce rôle, il sera concurrencé sous peu par le procédé ADSL, et peut-être ensuite par les constellations de satellites en orbite basse.

 

Dans cette optique, notre pays est mal placé : le câble n'est pas suffisamment implanté pour créer une concurrence notable au niveau de la boucle locale, et le déploiement de l'ADSL prendra quelques années de retard. C'est d'autant plus regrettable que le principal constructeur français de matériel téléphonique (Alcatel) est considéré comme un très bon spécialiste de l'ADSL au niveau mondial. Comme quoi faut-il préciser, quand on évoque le "retard français", qui est en retard et qui ne l'est pas.

 
 
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