[@RT Flash] Lettre #141 du 7 au 13 Avril 2001@RT Flash Lettre #141 du 7 au

13 Avril 2001

 

@RT Flash est un hebdomadaire gratuit d'information (cyber-revue de presse)

consacré à l'Internet, l'informatique , les nouvelles technologies, les

sciences de la vie, l'économie et les sciences de la terre, diffusé par le

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Brevet : piège à idées

 

Sous couvert de protéger leurs logiciels, les entreprises veulent toucher

des droits sur toutes leurs utilisations potentielles. Les partisans d'une

informatique " ouverte " dénoncent une atteinte à la créativité. Il fallait

y penser plus tôt, maintenant, c'est trop tard : le passage aux 35 heures

est breveté depuis le 13 novembre. Vous pensez que c'est une blague ? Que le

droit interdit de breveter des idées ou des méthodes ? Vous avez raison. Du

moins, en théorie. Car l'informatique aujourd'hui change la donne, et permet

parfois de contourner la loi. " L'usage des ordinateurs allant grandissant,

la mise en ouvre d'idées, de procédés ou de méthodes, dépend de plus en plus

des logiciels, explique Stéphane Fermigier, président de l'Aful, une

association d'informaticiens. Breveter des logiciels conduit alors à

breveter des idées. " En clair, lorsque votre entreprise passe aux 35

heures, elle utilise un logiciel approprié pour gérer les plannings. Si

quelqu'un brevette le module qui permet de mener cette tâche à bien, d'une

certaine manière, il en brevette aussi l'idée. L'astuce consiste à rédiger

le brevet de manière à faire passer l'idée pour un " effet technique ". Pour

alerter les politiques et l'opinion publique sur les dérives actuelles,

l'Aful a ainsi déposé le brevet d'un " système et procédé de réduction du

temps de travail ". Donc, si on prend le texte à la lettre, toute entreprise

qui s'est mise aux 35 heures après le 13 novembre pourra être accusée de

contrefaçon par les auteurs du brevet. et condamnée à payer une amende. Le

tour est joué. l'Office européen des brevets a accepté l'idée (pardon: le

logiciel) conduisant à l'apprentissage de la prononciation d'une langue par

comparaison avec la bonne prononciation, le diagnostic médical automatique

effectué à partir d'images et de textes, la distribution de recettes de

cuisines dans un super-marché, etc... Quiconque propose maintenant quelque

chose qui ressemble au procédé breveté, risque alors de voir débarquer une

escouade d'avocats réclamant le paiement d'une licence. Alors on peut aller

loin, très loin. Protèger tout et n'importe quoi. Un mastodonte comme

British Telecom s'est enfoncé dans la brèche en demandant des comptes à

plusieurs fournisseurs d'accès à Internet. Il leur reprochait de permettre à

des internautes d'utiliser une de leur prétendue invention, tenez-vous bien

: le lien hypertexte, qui permet, sur Internet, de passer d'une page à

l'autre d'un simple clic de souris. Le pire, dans tout ça, c'est que ces

brevets auraient dû être refusés. L'Europe a en effet écrit noir sur blanc

dans l'article 52-2 alinéa b de la Convention de Munich, qui fait référence

en la matière, que " ne sont pas considérés comme des inventions

[brevetables, ndlr] les plans, les principes et méthodes dans l'exercice

d'activités intellectuelles [.], ainsi que les programmes d'ordinateurs ".

Rien de plus limpide n'est-ce pas ? Mais c'est sans compter avec les

délicieuses subtilités du langage juridique. On continue l'article, on passe

à l'alinéa c et on lit que l'exclusion ne concerne que les programmes " en

tant que tels ". Qu'est-ce que c'est exactement, un programme " en tant que

tel " ? Eh bien, aussi bizarre que ça puisse paraître, c'est ce " en tant

que tel " qui fait la différence. Selon l'Office européen des brevets

(OEB) - créé par la convention pour appliquer la convention - les effets

techniques (brevetables, eux, au regard d'une jurisprudence qui date de

1985), sont à distinguer du logiciel " en tant que tel ". Une subtilité

risible mais réelle qui justifie le brevet d'un logiciel dont les effets

techniques permettent de produire des recettes de cuisine en supermarché.

Cette jurisprudence est clairement contraire à l'esprit de la loi. Mais elle

existe. Et ce qui fait peur à ceux qui s'opposent à l'idée de brevet, c'est

qu'un texte actuellement en préparation à la Commission européenne pourrait

bien conforter cette jurisprudence en l'inscrivant noir sur blanc dans la

loi. Les militants anti-brevets reprochent également au gouvernement

français d'adopter en toute discrétion une position favorable aux brevets. "

Nous n'avons pas de position tranchée sur ce dossier délicat. Ici, le débat

est encore vif et puis nous manquons de données économiques fiables " dit-on

au secrétariat d'Etat à l'Industrie. Mais selon d'autres sources, un

représentant de la France aurait déclaré le 21 décembre dernier à Bruxelles

que " Les programmes d'ordinateurs doivent être revendiqués en eux-mêmes

dans un brevet logiciel ". Qui dit vrai ? La réponse risque d'arriver après

que la Commission ait promulgué son texte...Face à ces arguments, leurs

adversaires, tenants du " logiciel libre " en tête, dénoncent une tentative

concertée de mettre à genoux leur vision d'une informatique ouverte,

insistent sur le fait que le monde du logiciel n'est pas celui de

l'industrie lourde et qu'ici une invention est dépassée en deux ou trois

ans. La protéger par un brevet serait ridicule. Qui plus est, toujours selon

eux, toute nouvelle idée intéressante reposerait nécessairement sur des

inventions passées. Ils affirment également que breveter un logiciel peut

conduire à breveter des idées, ce qui constituerait une sorte de prise en

otage commerciale de la vie quotidienne. Enfin, ils rappellent l'absence

d'étude économique démontrant l'intérêt du brevet dans l'innovation et

l'économie du logiciel.